Dans son recueil de nouvelles intitulé « Rue des histoires », Marie-Françoise Ibovi a planté son décor sous les tropiques. Elle a choisi l’Afrique, allant de Pointe-Noire à Dakar, pour nous raconter le quotidien des personnages de son ouvrage qui met particulièrement en avant l’amour, les liens familiaux, la maladie, la vie ou encore la mort. On y retrouve des personnages comme Yvonne, qui se refuse à son mari depuis un mois. Des moments volés avec son amant, Yvonne en ressortait « retournée par leurs étreintes chaudes et passionnées » avant d’être prise un jour, comme une vulgaire voleuse, sur le fait de l’interdit.
Si tu veux m’aimer, il faudra ne rien savoir sur moi
De la drague à l’amour sous le soleil, le lecteur savoure de véritables récits mêlant hésitation, bonheur, déconvenue et mysticisme africain. Fou amoureux de la charmante Puru, son bien-aimé est sonné lorsqu’il apprend qu’elle est décédée depuis sept ans mais qu’elle réapparaît à l’endroit où elle a été fauchée par une voiture. Quant à Françoise et Abel, ils se marieront et porteront dans leurs bras le fruit de leur hyménée, « un bébé d’amour ».
Certains passages sont autobiographiques. C’est une écriture qui a une âme. Elle porte parfois des messages avec beaucoup d’humour et de lucidité. « Mabika, un trentenaire au visage rond comme son ventre qui accusait des excès de bière ». Les dangers qui guettent certains comportements sont ainsi indexés. Déclaré d’abord malade du sida par erreur médicale puis informé qu’il était sain, Fiston hurle de joie : « Rien, je n’ai rien. A moi les filles ! ».
Croyez-vous que Dieu me pardonnera un jour ?
Mais dès qu’on passe du côté de la douleur ou de la mort, l’homme reconnaît ses limites. Il n’est pas déterminé par sa mauvaise nature, mais croit plutôt que Dieu lui a donné la liberté de tracer sa voie vers la gloire éternelle en choisissant, au prix d’un traitement rigoureux de soi-même, de faire le bien. Face à certaines situations qui finissent par poindre, la puissance humaine disparaît pour laisser la place à la souveraineté de Dieu. Marie-Françoise Ibovi ne s’embarrasse guère de la rigueur littéraire académique. Elle conte et se raconte avec une fidèle spontanéité. L’écriture conventionnelle n’est pas son truc, les semblants non plus. Elle aime le parler cru avec son rire, ses gueulantes, ses déchirures et ses larmes.
Il n’y a pas d’électricité et le groupe électrogène démarre avec un bruit assourdissant
Les difficultés que rencontrent les gens, telles que le manque de fourniture en électricité, ne sont pas passées sous silence. Et ceux qui font dégringoler l’individu en prennent pour leur grade ; ceux qui ne font rien pour le remettre debout également. En véhiculant des idées d’éducation, d’émancipation et de dignité, « Rue des histoires », qui s’ouvre par une préface de la poétesse-écrivaine Émilie-Flore Faignond, propulse indéniablement son auteur sur orbite littéraire. Il ne faut pas se fier au titre qui fleure bon la bluette. Car ce recueil qui exprime les attentes, les faiblesses et les sursauts de ses personnages tire sa sève des réalités de la vie humaine.
« Rue des histoires », Marie-Françoise Ibovi, éditions Edilivre, 133 pages, 19 euros.