La vie ne nous apporte pas toujours ce que l’on souhaite. Nous pouvons avoir des habitudes et des projets, mais parfois un grain de sable se loge dans l’engrenage et plus rien n’avance. C’est exactement ce qui est arrivé à Philippe Baes à partir du 18 août 2012, et qu’il nous confie à travers une autobiographie qu’il vient de publier. Dans « Sale tour pour un destin » qu’il a écrit comme un livre de bord, ce Belge nous fait vivre jour après jour son combat contre le cancer.
Atteint d’un cancer de l’œsophage, il subit une opération au cours de laquelle on lui ôte une tumeur près du cœur. Il perd quarante kilos. Ensuite, ce sont les séances de chimiothérapie car il y a présence de métastases aux intestins, aux poumons et au niveau de la colonne vertébrale. Au final, le pronostic du corps médical de l’hôpital Notre-Dame de Charleroi lui donne au plus six mois de vie terrestre. C’est un coup dur pour ce père de famille de 54 ans.
Si tu sais tenir des livres, alors tu sais mettre tes mains sur les fesses de ta femme
Désormais en lutte avec ce cancer qu’il appelle « z’aloperie », il refuse d’être bouffé par celui-ci et se bat sans relâche avec beaucoup d’humour. Le lecteur vit avec lui ses longues journées qui défilent en même temps que les souvenirs de sa vie. « Quand on est heureux, le bonheur passe à très grande vitesse et ce n’est qu’au moment des difficultés que l’on se rend compte à quel point l’amour est fort ». Marié une première fois à vingt trois ans, sa femme le quitte à cause de ses absences professionnelles car Philippe Baes est chauffeur de cars. La rencontre avec l’amour de sa vie, Mimi, viendra finalement avant que la maladie ne vienne salir ce bonheur.
Dans une écriture combattante, Baes passe sa vie au scanner. Oui, il n’aura pas été un homme parfait mais il s’est battu au mieux pour que sa moitié ne manque pas d’amour et sa famille de rien. Enfant, il fut placé en pension et maltraité par une belle-mère. La mort, il l’a frôlée à deux reprises dans sa vie et s’est retrouvé à chaque fois dans le coma suite à des accidents de la route. Ses affaires ont fait faillite et il a aussi fait de mauvais choix en fermant par exemple la radio qu’il avait créée. Il regrette d’avoir suivi le conseil de son ex-femme en refusant la proposition de son père qui voulait que son fils gère avec lui sa société de cars. La perte de son dernier enfant à l’âge de quatre mois demeure également dans ses pensées.
En 2014, l’homme qui se bat depuis deux ans contre la maladie apprend qu’il a « un nouveau cancer à la même place que le premier opéré en 2012 ». De nouveau touché, il n’abdique pas. Il a un groupe amical pour tisser des liens, communiquer au sujet de sa maladie et donner des conseils à ceux qui sont ou pourraient un jour se retrouver dans son cas. On découvre au fil des pages quelqu’un d’humain qui rejette notre société minée par l’appât du gain : « L’argent va à l’argent ». Le wallon se demande à quelle sauce les générations futures vont être mangées par ce monde de « l’argent roi », et ça l’écœure. L’État aussi demande de l’argent pour tout contrairement aux temps passés qu’il a connus. Partant de là, la projection d’un quotidien meilleur s’impose à lui puisque « les rêves, il n’y a que cela qui ne soit pas taxé en Belgique ».
Mea maxima culpa
Philippe Baes semble vouloir mettre sa vie en ordre avant de se retrouver devant le tribunal de Dieu, Lui qui semble « fixer notre date de départ avant notre arrivée dans ce monde ». Dans un mea culpa sans nom, l’auteur regrette d’avoir occasionné des factures téléphoniques colossales à sa grand-mère à une époque, lorsqu’il était hébergé chez elle et passait son temps avec les femmes au téléphone. Il reconnaît ne pas avoir beaucoup côtoyé son premier fils, fruit de son premier mariage. A l’évidence, il se repent également d’avoir été à l’origine de la rupture avec son père peu avant son décès…Même s’il ignore que le cœur de son père avait fait la paix avec Philippe la veille de sa mort.
Somme toute, si l’auteur craint de finir en enfer, il y a fort à parier qu’une repentance si sincère donne droit au pardon et conduise de facto au paradis, surtout pour un homme « qui n’a jamais dit du mal de sa femme ». S’agissant de la maladie, il semblerait qu’il souffre des maux répétitifs dans sa lignée familiale. Avant lui, quelqu’un de sa famille est décédé du cancer. Et la répétition verticale touche également les domaines du divorce, de l’absence paternelle ou encore de l’alcoolisme. Dès lors, plaise à Dieu qu’Il mette fin à ce cycle maléfique dans la vie de celui qui pèse 53 kilos aujourd’hui. Et disons que Philippe Baes, qui vient d’épouser Mimi le 18 juillet 2014 après vingt-cinq ans de vie commune, mérite de vivre. Il ne mourra pas, il vivra.
« Sale tour pour un destin » de Philippe Baes, autobiographie, Europe éditions, 223 pages, 18 euros.